«Ce fut vers cette époque que Quadratus, évéque des chrétiens, m’envoya une apologie de sa foi. J’avais eu pour principe de maintenir envers cette secte la ligne de conduite strictemente équitable que avait été celle de Trajan dans ses meilleurs jours; [ ]. Mais toute tolerance accordée aux fanatiques leur fait croire immédiatement à de la sympathie pour leur cause; [ ]. Je lus son oeuvre; j’eus même la curiosité de faire rassembler par Phlégon des renseignments sur la vie du jeune prophète nommé Jésus, qui fonda la secte, et mourut victime de l’intolérance juive il y a environ cent ans. [ ] Chabrias, toujours préoccupé du juste culte à offrir aux dieux, s’inquiétait du progrès de sectes de ce genre dans la poulace des grandes villes; [ ]. Arrien partageait ses vues. Je passai tout un soir à discuter avec lui l’injonction qui consiste à aimer autrui comme soi-même; elle est trrop contraire à la nature humaine pour être sincérement obéi par le vulgaire, qui n’aimera jamais que soi, et ne convient nullement au sage, qui ne s’aime pas particulièrement soi-même.»
Marguerite Yourcenat, Mémoires d’Hadrien,
Paris, Gallimard, 2001, pp.238-40
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