«Voilà votre métier, dont vous parlez en amant tout à fait heureux*. Quant à moi, je n’en connais qu’un, puisqu’il est essentiellement niable, et que tout homme, s’armant d’une plume, peut se targuer d’en être maître; et je ne dis le connaître que pour m’être fait un sens toujours plus exquis, et comme ombrageux, de ses difficultés — et presque — de son impossibilité.
Mais, de cette expérience particulière, j’ai du moins retiré une grande révérance pour toute personne qui sait faire quelque chose, et un singulière considération pour celles que nous montrent par leur exemple que l’exercice d’une peut valoir à son homme un autre avantage que son traitement ou son salair, son avancement ou son nom; mais un accroissement et une édification de son être.
Robert Delaunay, La Tour Eiffel
Si j’aimais, plus que je ne fais, les termes considérables, je dirai que tout métier, même très humble, ébauche en nous une éthique et une esthétique, tellement que, à partir de l’obligation de «gagner sa vie» au moyen d’un travail bien défini, quelqu’un peut s’élever à une possession de soi-même et à un pouvoir de compréhension en tous genres, qui surprennet parfois celui qui les observe chez des individus dont il n’eût pas attendu des remarques d’artistes ou des sentences de philosophe, exprimées en termes semi-pittoresques, semi-professionnels.»
(*) Il s’agit d’une lettre-préface à un livre d’un ami.
Paul Valéry, Regards sur le monde actuel,
Paris, Gallimard, 1998, p.242
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